Calendrier de l’avent : 12

— Nous verrons le résultat, dit le petit homme en quittant les lieux non sans avoir jeté un regard de haine à Lisa.

— C’est Edgar Allan Poe ? demanda, incrédule, Lisa.

— Lui-même. Quand il a appris la disparition de Lennon, il a sauté sur l’occasion en disant partout qu’il retrouverait son assassin, qu’il était le plus grand détective de la ville.

— Ce qui peut faire de lui un suspect.

— Non, il ne se trouvait pas sur les lieux. Tu peux le rayer de la liste.

— Encore faudrait-il que j’aie une liste. Pour l’instant, je suis dans le noir complet.

Peter ouvrit une porte et ils arrivèrent dans la salle de spectacle. De nombreuses personnes se tenaient aussi bien dans les gradins que dans la fosse, face à la scène. 

Lisa regarda les personnes qui déambulaient autour d’elle sans lui prêter la moindre attention. Peter la guida vers la scène plongée dans une semi-obscurité.

— Commençons par le début, dit Lisa. Le lieu de la disparition.

— En face de toi, Lennon était assis devant son piano blanc et jouait Instant Karma. Une centaine de personnes assistait à la répétition. Soudain, une lumière aveuglante a jailli d’un projecteur qui a explosé, suivi par un autre. Quand on a ouvert les yeux, Lennon avait disparu, à sa place s’élevait de la fumée grise. Plusieurs musiciens se sont précipités vers l’endroit où il se trouvait, mais il ne restait que cette fumée qui montait du tabouret où il était assis.

— Et si c’était un simple accident, une combinaison de lumières, de produits ?

— Ce serait trop beau, trop facile. De plus je te l’ai dit, les fantômes ne meurent jamais. Sauf sur le pont de Brooklyn quand leur heure est venue, et encore je n’en suis pas sûr.

— Bon, admettons, dit Lisa qui n’avait pas l’air convaincu. Maintenant, voyons le mobile. Pourquoi s’en prendre à Lennon ? Il avait des ennemis parmi les fantômes ?

— Notre monde ressemble à celui des vivants. Jalousie, mépris, haine sont monnaie courante. Mais nous ne pouvons pas nous tuer : je peux poignarder quelqu’un, lui tirer trente balles dans le corps, il ne se passe rien. Pas de sang, pas de douleur. Je te l’ai dit, ce n’est pas le paradis. Nous ne mangeons pas, nous ne faisons pas l’amour, nous ne buvons pas, nous ne fumons pas, nous ne nous droguons pas. Les artistes peuvent continuer à peindre, à écrire, à chanter, ils ont toujours un public. Et encore…

— Je ne sais toujours pas qui pouvait en vouloir à Lennon. Qui a décidé qu’il organiserait le concert ?

— Les musiciens choisissent en comité, entre eux. Tous les ans le responsable tourne.

— Commençons par eux. Certains voulaient-ils être le patron cette année ?

— Je vais poser la question.

À cet instant, un projecteur s’alluma et éclaira la scène. Lisa demeura interdite, incapable d’articuler le moindre mot.

Sous cet unique faisceau lumineux, entourée par l’obscurité, se tenait une femme, à la beauté incendiaire. Lisa la reconnut aussitôt. Elle n’était pas née quand elle était morte, mais son visage, sa silhouette hantaient encore toutes les mémoires.

Le silence tomba brutalement dans la salle. Des notes arrivèrent et ce fut au tour de la voix, sensuelle, douce, de prendre le relais du physique. Des images d’un autre Madison Square Garden, d’une autre scène, d’une autre chanson apparurent dans l’esprit de Lisa. C’était un hymne pour l’homme le plus puissant du monde, pour son anniversaire.

— Elle demeurera à tout jamais belle, dit Peter qui était lui aussi fasciné. John Lennon l’a choisie pour être l’interprète principale de son spectacle. Et elle a toujours aimé New York.

Lisa ne sut quoi répondre, Marilyn Monroe chantait et elle n’en revenait pas, de l’entendre, de la voir, même si ce n’était qu’un fantôme. Par son unique présence, elle avait réussi à éteindre toutes les conversations.

— Dehors ! Place à du sang neuf !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *